Les études de Chopin op. 10 et 25


Alors, voilà ! Premier post pour le premier disque que j’ai vraiment adoré et qui m’a ouvert la voie de la découverte de la musique. J’avais 15 ans et, bien que baignant dans la musique qu’AB nous faisait écouter tous les jours, je ne m’y étais jusqu’alors que très peu intéressé. Et puis un jour : la révélation, en tombant sur les études de Chopin par Alfred Cortot. L’enregistrement date de 1933-34 et reste pour moi la référence absolue. Je ne suis certainement pas très impartial, mais je n’ai encore jamais retrouvé ailleurs cette musicalité si particulière et profonde que Cortot arrive à donner à ces pièces. De la technique oui, les interprétations sont maintenant toutes impeccables, mais pas de vie. La technique de Cortot n’avait rien à envier à celle des pianistes de maintenant, mais à l’époque on privilégiait la justesse musicale sur la précision technique, peu import s’il y avait par ci par là des fausses notes ou des ratés (il y en a dans l’enregistrement en question !). Et puis les techniques d’enregistrement étaient rudimentaires, rien n’était numérique, les prises se faisaient quasiment en aveugle par tranches de 4-5 minutes en gravant physiquement une « galette ».

Disque EMI Cortot études Chopin
La pochette du fameux disque

Deux cahiers de 12 études chacun, l’opus 10 et l’opus 25. Le premier dédié à Liszt, le second à la comtesse d’Agout sa maîtresse (de Liszt, pas de Chopin !). Ce sont des études pour le piano, mais quand on les écoute elles pourraient tout aussi s’appeler impressions ou évocations, miniatures, ou que sais-je. Les aspects techniques du piano y sont abordés de façon redoutable (arpèges, gammes en tierces, indépendance des 2 mains et des 10 doigts), mais la musique reste au premier plan et fait oublier complètement les efforts titanesques qui sont derrière. Et quelle trésors d’expression : joie, colère, tristesse, danse. Chaque étude est assez courte (2-3 minutes), dans des formes assez libres, parfois en A-B-A, parfois d’un seul tenant. Les harmonies et changement de dynamique sont très raffinés. Bref, c’est très bien !

J’ai écouté ce disque en boucle pendant des mois quand je rentrais du lycée (avec celui de Brendel sur Schubert, la sonate D. 960 et la Wanderer Fantasie), puis l’ai délaissé pendant des dizaines d’années. C’est à partir de ce disque que j’ai vraiment commencé mon exploration de la musique, d’abord autour de Chopin/Schubert, puis faisant des incursions de plus en plus éloignées dans d’autres registres. Je n’avais plus vraiment envie de l’écouter et avais fini presque par le renier : trop rebattu, d’un romantisme un peu mièvre et maladif (contrairement à celui de Schumann qui me semblait moins complaisant). Chopin est centré sur lui-même, il y a dans son œuvre très peu d’évocations de la nature par exemple, contrairement à Schumann qui y trouve une grande source d’inspiration.

J’ai essayé d’autres versions que celles de Cortot qui m’ont confirmé que cela ne m’intéressait plus. Puis un jour, il y a quelques années, je suis retombé sur la version de Cortot et la magie a opéré comme au début. Madeleine de Proust ? Ou plutôt plus grande maturité d’écoute de ma part qui arrive à déceler plus de nuances qu’à l’époque. Bref, Chopin est sorti de son purgatoire où je l’avais mis, grâce à ce disque (mais aussi aux impromptus que j’ai découverts récemment, et aux scherzi et ballades que j’ai toujours quelque part gardés hors du purgatoire).

Il y a quelques tubes dans ces études :

Op. 10 n°1 – la première, donc celle que tout le monde connaît, mais qui nous emmène dans une furie d’arpèges sans avertissements : pas le temps de se demander ce qui arrive, on est pris dans le tourbillon de la main droite alors que la main gauche progresse sur des valeurs longues bien scandées, ça module, puis ça se termine comme ça a commencé, sans ralentir, brutalement.

Op. 10 n°3 – la fameuse « Tristesse »

Op. 10 n°5 – en Sol bémol majeur, uniquement sur les touches noires

Op. 10 n°12 – la encore plus fameuse « Révolutionnaire », soit disant écrite après que Chopin eut appris la prise de Varsovie par les russes…

Op. 25 n°11 – souvenir de prépa, quelqu’un de ma classe la jouait, j’étais très impressionné

Op. 25 n°12 – arpèges à deux mains, comme les vagues de la mer par gros temps, très beau


Liens

Vidéos

Études de Chopin Op. 10 – Alfred Cortot – 1933
Études de Chopin Op. 25 – Alfred Cortot – 1934

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